Azeline referme la porte de la maison de naissance Bien Naître. Les nouvelles sont bonnes. Sage-femme et doula l'autorisent enfin enfin à faire la route vers vaux-sur-Lhomme, dix jours après le décès de son grand-père René. Sur son carnet connecté, un message tout doux de Zayen apparaît et la fait sourire en plissant les yeux au soleil d'avril.
Ventre rebondi, Azeline se dirige vers la fontaine de la place Ocasio-Cortez. À côté du jardin vertical de l'immeuble Callebaut, l'ancien Centre commercial Ville 4 fait place au projet Lignes de rives. Un cadre exceptionnel pour les cinq résidences internationales d'artistes qui y seront ouvertes. Il produira plus d'énergie qu'il n'en consomme et ses toitures fourniront fruits, légumes et condiments aux habitants.
Les étudiants du Collège Jackson plantent la 28ème forêt urbaine de la ville. Bientôt, cette parcelle offrira de la fraîcheur, de l'air pur et cette connexion bienfaisante à la nature devenue un droit pour tous les enfants. Esp'Aire, écrit Azeline sur le panneau qui borde la parcelle, avant de reprendre le chemin de son immeuble. Elle appelle son père. Une semaine déjà a passé depuis les funérailles de René...
Gare de Virlon, Azeline choisit un Speedegg trois roues à hydrogène, réservé grâce au Pass Multimobil, et prend la route vers Vaux. Les paysages de vallons et de bocages sont marqués par la volonté de la population de s'adapter aux changement climatiques et de préserver la nature. Elle s'assied un moment, rêveuse, dans le jardin de son grand-père, émue par le bébé qui bouge en elle, énervée par les messages de Zayen.
« Élena a la clef » lui a dit son père. Élena, c'est la « concierge de quartier » : petits travaux, lien avec les autorités, services aux aînés, coup de pouce aux parents, entretien d'espaces communs,… un peu de tout et beaucoup de liens. Un job développé grâce à la Fabrique Lhommoise, une Entreprise à But d'Emploi. Cette déjà vieille dame semble avoir vécu plusieurs vies. Ses mains fascinent Azeline depuis toujours.
Dans l'ancienne église, le Conseil local de transition écologique fait son rapport sur les actions menées pour développer l'autonomie alimentaire et énergétique du territoire. Les citoyens débattent, chantent, reprennent du pouvoir sur leur avenir commun… En apercevant Azeline sous le Saint François du vitrail bleu et vert, Elena se lève et la rejoint, sourire aux lèvres. « Viens, dit-elle sans salutations, on va visiter ton grand-père ».
« Dans la petite remise, un bleue de travail rappé et un casque d'ouvrier suspendus à un crochet. Azeline sort une liasse de papiers de la poche du vêtement. « L'espoir, c'est l'optimisme aux manches retroussées » Une page découpée dans un magazine résume le discours devant la Chambre des représentants et le Sénat-Citoyen de la Première Ministre, Lecocq-Mendes, une autrice réputée pour ses pièces de théâtre surréalistes.
« Nous avons fait le blocus du site de Bayento près du port.Ça a mal tourné. Le feu a pris dans un entrepôt. Avec trois camarades, nous avons été condamnés à trois ans pour cet incendie. Rien ne peut décrire ce qui meurt à l'intérieur d'un homme qui passe des années derrière une porte close… » En lisant la lettre de son Grand-Père, c'est à la fois un homme, un monde et une époque qui se révèlent à Azeline.
Alors, le gouvernement Lecocq-Mendes a lancé son Alliance pour un Monde qui a du Sens en mettant l'écologie et la prévention au coeur de toutes ses politiques, en faisant de la culture et des enfants ses premières préoccupations. « Nous transmettons ce que nous sommes et c'est là l'essentiel, écrit enfin le Grand-Père d'Azeline, mais je voudrais que tu emportes une chose: mon casque jaune. Il rappelle d'où je viens, porte des traces de coups, m'a protégé et accompagné… Entre les mains de ton bébé, il reprendra vie. »
Un sifflement les interrompt. Le train entre en gare et la pensée de ses retrouvailles avec Zayen enflamme le coeur et le ventre d'Azeline. Il sort du wagon et roule sur la petite plate-forme. Alors, elle se précipite vers lui et saisit les poignées de la chaise roulante. Ils traversent le village et descendent vers le lac d'Oncin. « René ou Renée… tu en penses quoi pour accueillir un petit bout dans un monde renaissant ? »